What has been, and what will come to be ... [Rp Sho, Kenzo et Alice]

J’étais assis là, devant le piano de la salle de musique, lorsque je me suis enfin décidé de jouer du fichu piano… Je n’en avais pas joué depuis… depuis ce temps éloigné, où je passais encore mes jours avec Emi… Le piano, c’est un triste souvenir pour moi, ça me rappelle tant cette époque… Ça, et je n’ai jamais voulu jouer du maudit piano. On m’y avait forcé, à l’orphelinat. Mais bon, mes fouilles des deux nouveaux étages sont terminées, et, comme toujours, je me retrouve seul avec mon passé, donc je vais jouer je-ne-sais-quoi sur ce merdier. Alors, j’ai commencé à interpréter l’énième symphonie d’un quelconque grand musicien de la Renaissance dont je me foutais totalement. Je connaissais déjà toutes les notes par cœur, malgré tout ce temps où je n’avais pas joué de musique. Mes doigts défilaient sous mes yeux avec une vitesse folle, quasiment comme si je ne les contrôlais pas. Je jouais purement par instinct, par mémoire. Et comme d’habitude, la mémoire venait me rattraper…

Étrangement, mes pensées ne se concentraient pas sur Emi, sur notre séparation, sur… enfin, tout ça, mais plutôt sur ce qui s’est passé dans l’Académie, depuis ces derniers jours. J’ai l’impression que tout défilait devant mes yeux, que je réagissais si rapidement, que je n’ai jamais pris le temps de penser à ce qui est arrivé, à ce que j’ai fait… Je n’ai tué personne, mais un poids étrange, très lourd, est porté sur mon dos, voire mon cœur… C’est la première fois que quelque chose de la sorte m’arrive depuis Emi… Il semblerait que tu aies eu raison, Mon Amie : cette école va sans doute changer ma vie. Malheureusement, je doute que ce soit ce que tu as envisagé…

Bref, tandis que le piano continuait son hymne, je pensais à Monalia, ou plutôt, au deuxième meurtre. Celui-là m’a étrangement affecté, parce que j’ai été enfermé avec elle et Maïka dans le gymnase seulement quelque moments avant le meurtre, et si je n’avais pas été si je-m’en-fous-iste, j’aurais pu empêcher ce meurtre, ou du moins, peut-être… J’étais aussi «impliqué», en quelque sorte. J’avais aussi reçu un message de Monokuma, à propos d’un de mes secrets, mon plus grand secret, en fait… À ce moment, je me disais toujours que tuer ne servait à rien ici, que seuls les faibles se plieront aux désirs de cet enfoiré d’ourson, mais à présent, j’ai de la sympathie pour les meurtriers, ceux que, franchement, j’ai condamnés à la mort, grâce à mes talents d’investigateur. Je pense à Monalia et je me dis : «Merde, aurais-je pu vraiment vivre avec le fait que tous connaissent mon secret?» Et je crois que je connais déjà la réponse. À présent, je comprends pourquoi elle a tué son amie, et j’espère qu’elle peut comprendre pourquoi je l’ai tuée…

C’est étrange. Auparavant, je ne croyais pas au paradis, à la vie après la mort. C’est illogique. Scientifiquement impossible. Tout simplement con. Mais désormais, j’ai réalisé ce qu’était l’au-delà : C’est moi. Ce sont tous ceux qui peuvent encore se souvenir des morts. C’est vivre pour ceux qui n’ont pas pu le faire. Et ces souvenirs, c’est ce qui rend les gens immortels, mais c’est aussi ce qui leur donne la paix. C’est en laissant leur marque sur le monde que les morts puissent survivre à la mort… Et ça, je crois bien que Kyoki l’a bien compris…

Tandis que mes pensées divergeaient vers ce nouveau sujet, la mélodie se perpétuait … Franchement, je ne sais quoi penser de cette nouvelle : Kyoki, traître? C’était plus qu’étrange. Je ne l’avais rencontrée en singulier (Enfin, il y avait l’autre mec, aussi, mais je ne suis pas encore certain qu’il puisse compter comme une personne…) qu’une seule fois, au gymnase, quelques temps après mon réveil, ma descente en enfer. Et jamais je n’aurais pu deviner qu’elle était une traîtresse. Au contraire, elle ressemblait tellement à Emi que c’en était déconcertant. Pas physiquement, bien sûr, mais il y avait des moments où leurs personnalités étaient identiques… Pourquoi est-ce que je cite sa ressemblance avec Emi afin de la disculper? Parce que je sais qu’Emi était trop… parfaite (ou pure, ou gentille, ou je-ne-sais-pas-comment-décrire-cette-qualité…) pour trahir ses amis. Donc, selon moi, il était impossible qu’une fille qui ressemble à Emi puisse faire quelque chose qu’Emi ne peut pas faire. Mais pour une fois, ma logique a été faillible : Kyoki n’est pas Emi. Après le premier meurtre, elle était devenue plus discrète, plus absente… Et bien plus tard, elle se dénonce : pendant tout ce temps, elle s’est associée à Monokuma afin de venger la mort d’Eden. C’est fou, parce que, de ce que j’en sais, elles n’étaient pas de très bonnes amies. Par contre, Kyoki tenait tant l’amitié à cœur qu’elle était prête à dénoncer un meurtre entre amies, causée par la plus sordide manipulation. Mais ses méthodes pour dénoncer cet acte étaient un peu trop extrêmes. C’est aussi à cause de ce zèle pour l’amitié qu’elle s’est probablement dénoncée… qu’elle s’est enlevée la vie. Mais, en s’enlevant la vie, elle a décidé de laisser sa marque. Je ne sais pas si tous ont eu cette même marque, mais en me réveillant, le jour de son «suicide», il y avait une lettre à ma porte, accompagnée de ses deux peluches, les mêmes qu’elle avait le jour de notre rencontre… Dans la lettre, elle s’excusait de tout le mal qu’elle a fait, de toutes ses erreurs… Elle a pris la peine de me donner ses peluches, pour une raison très simple : je ressemble à son ami d’enfance. Il y avait une photo de lui, dans la bouche d’une des peluches, et en la regardant, j’ai réalisé à quel point la vie était ironique. Ce type ne me ressemblait pas physiquement, mais, selon Kyoki, il était, lui aussi, un génie. Puis, je ne savais pas quoi penser. Deux personnes vont à une école et gardent leurs distances entre elles car elles ressemblent trop aux amis d’enfance de chacun. C’était une étrange et désolante coïncidence…

À présent, ses peluches reposent sur mon lit, et j’ai enfin quelque chose pour décorer ma chambre…

La symphonie s’éternise. Je doute qu’elle prendra fin. Et si, par un heureux hasard, j’en arrivais à terminer cette symphonie, je vais probablement en commencer une autre. Je n’ai rien d’autre à faire. Avant, je désirais la solitude, je voulais m’isoler du groupe, m’empêcher de rencontrer des gens qui ne feront que m’ennuyer, mais maintenant que je suis seul, c’est fou de voir à quel point je pense à eux… Même Helinca, que je n’ai vraiment pas connue, revient hanter mon esprit…

Je ne peux vraiment pas dire que j’appréciais cette fille. Dès le banquet, elle avait l’air d’une folle. Elle s’était enfuie en pleurant, et ne semblait pas très saine d’esprit. Par la suite, je vois peu à peu qu’elle est concernée dans tous les meurtres : elle a causé le premier meurtre, a été utilisée comme appât dans le deuxième, et, enfin, a commis le troisième. Avant le troisième meurtre, si je devais accuser quelqu’un de traîtrise, elle aurait été mon premier choix. Par contre, j’aurais eu tort dans mon accusation. Si, elle a causé un meurtre, mais elle voulait protéger un membre de sa famille. Si, on a voulu la tuer, mais maintenant, je vois que c’était inutile. Si, elle a commis le troisième meurtre, mais c’était un suicide. Je ne l’ai pas connue, mais, tout comme moi, elle devait avoir un lourd et difficile passé afin d’agir ainsi. Je suppose que chacun gère ses séquelles différemment. Et, prise de remords, je suppose qu’elle a fait un mauvais choix. Elle a pris l’option facile, la sortie rapide, mais ce n’était, et ce ne sera jamais, le bon choix à prendre…

Mes yeux fermés, je jouais. Et je jouais. Et je jouais. Je ne sais plus quoi penser, alors je joue. Et même quand je savais quoi penser, je jouais quand même…

La vie continue, je suppose. Tout ça, ce n’est que du passé, je ne peux rien y faire. Je peux bien me remémorer tous ces moments, mais il reste que ça ne change rien. Autant que je n’ai pas pu changer ce qui est arrivé avec Emi, je ne peux rien changer ici, maintenant, à Kibougamine. Ou peut-être devrais-je commencer à l’appeler Zetsubougamine, le Sommet du Désespoir. Évidemment, ça ruinerait l’ironie du nom, mais il n’y a pas d’espoir ici. Il n’en a jamais eu. J’aimerais retrouver l’enfoiré qui a créer ce jeu, que ce soit le directeur que j’ai rencontré ou n’importe qui d’autre, et j’aimerais le tuer. S’il y a un meurtre qui mérite d’être commis, c’est bien celui-là. Mais je ne peux pas faire ça. Je suis coincé ici, dans son jeu. Et tout ce que je peux faire, c’est survivre. Ça, et jouer au piano.

Alors, tandis que je jouais au piano, je n’ai pas pu entendre l’approche d’un visiteur. Un visiteur, qui, évidemment, amènera une rencontre familière…

Devour the Day - Good Man:

-I want to be a good man. I want to see God...

Et ainsi je continuai à fredonner cette fichue chanson en marchant dans toutes les directions des couloirs. Je marchai en fredonnant cette chanson. Être une bonne personne... Ouais, c'est ça que tout le monde voulait. Montrer qu'ils étaient des gens bien, qu'ils ne veulent pas faire de mal. Le problème ici, c'est que cette philosophie nous empêche entièrement de sortir d'ici. Si tu restais gentil, si tu continuais à vouloir rester propre de tout crime, tu allais rester coincé ici jusqu'à la fin de tes jours dans le mieux, ou être exécuté pour ne pas avoir trouver le tueur lors d'un de ces maudits tribunaux, dans le pire. Si tu veux sortir, tu dois tuer quelqu'un d'autre, prendre une vie. Mais si tu ne le fais pas, t'auras jamais la chance de sortir d'ici! Toute cette logique commençait à me faire péter un câble. Malheureusement, c'est à-peu-prêt ce que ce fichu ourson espérait de nous, et je n'allais aucunement lui laisser le plaisir de me voir disjoncter (plus que d'habitude).

Cela faisait combien de temps que nous étions coincés ici? Un mois, deux mois, un an? Je ne pouvait même pas le dire. J'avais perdu toute notion du temps après avoir démolit tout ce qui me donnait l'heure dans ma chambre suite à une crise de nerf après le deuxième tribunal. »Je n'étais même pas certain que je voulais savoir l'heure ou la date, ça m'aurait fait plus mal qu'autre chose. Après, savoir le nombre de concert que j'avais manqué m'aurait probablement rendu fou. On devait partir en tourné une semaine après que je sois arrivé à cette école. Qu'est-ce qu'ils avaient fait sans moi, merde? Ah ouais, j'oubliais, ils sont possiblement morts... Merde! Mon propre groupe, le truc qui me permet de vivre ma célébrité, le truc qui me donne du plaisir dans la vie (autre que les cigarettes) était possiblement détruit. Plus de Oni!

Cette pensée me frustra au point que je fouille frénétiquement dans ma poche pour me chercher une cigarette, avant de réaliser que j'avais manqué de stock depuis un petit moment déjà. J'avais bien tenté de supplier l'ourson de m'en fournir, lui qui nous fournit de la nourriture en continue si facilement, mais il refusa ma demande. Et maintenant, je pouvais ressentir les effets du manque avec une frustration que je défoulait sur les autres (surtout sur super con et Jotaro). Parfois, la pensée de ne pas pouvoir en fumer une bonne me rendait tellement insupportable que les autres ne m,approchaient plus. J'ai même fini par envoyer promener Alice une fois (chose dont je me suis excuser mille fois ensuite).

Alice... Merde, si cette fille avait pas été là, je crois que je n'aurais jamais eu aucune raison de sortir de ma chambre pour discuter avec les autres. Fallait le dire, je le trouvais mignonne et sympathique. Je crois qu'on peux appeler ça un premier amour. Le truc, c'est que la situation actuelle me forçai quelque peu à laisser ça de côté par moment, à mon grand regret. Faudrait que le lui dise bientôt clair et net, cependant, histoire que je règle ça pour de bon. Je suis certain que la réponse sera oui (quelle fille résisterait à un rockeur?), alors je crois que ça peut attendre le bon moment.

Je marchai donc vers la salle de musique, espérant la croiser, mais c'est plutôt du piano que j'entendis. J'entrai donc dans la pièce, histoire de voir un peu qui pouvait jouer de cette instrument classique et ennuyant. Je fus cependant surpris de trouver super con dans la pièce, jouant avec attention son instrument, sans même remarquer ma présence. J'attendis donc qu'il ait fini pour lui signaler ma présence, histoire d'être un peu plus polit que lui lors de notre première rencontre.

Super con. Sho Hanekoma de son vrai nom. Un espèce de monsieur je-sais-tout qui passe son temps à se la jouer cool. Dès notre première rencontre, on ne s'est absolument pas entendu. Je crois même qu'il est celui que je hais le plus après Monokuma ici (et Jotaro, ce petit gamin prétentieux, arrive en 3e). Cependant, malgré le fait que nous étions des opposés dans toutes les opinions possibles, il avait réussit à gagner un peu de mon respect à force de toujours déjouer chacun des meurtre avec son foutu talent et sa foutue cervelle. Sans lui, je serais probablement mort actuellement, et bien que je ne l'avouerai jamais, je lui dois la vie.

Lorsqu'il s'arrêta de jouer, je lui jetai un regard amusé.

-Pour être honnête, c'est pas toi que je m'attendais à trouver ici, super con.

Ahh, j’en ai marre. Toutes ces personnes qui avaient l’air tellement agréables, avec qui on aurait pu parler aisément mais qui sont parties trop vites… Je ne connaissais absolument rien d’eux pour la plupart. Mais bon, ça fait quand même un vide dans le lycée dans lequel je suis en train de vagabonder. Ça me fait penser à ma mère, qui a sombré dans la folie à cause d’un simple homicide. Certes, ça doit être traumatisant… Alors pourquoi je ne pleure pas ? Pourquoi ça ne me fait ni chaud ni froid ? Va savoir. Et puis merde, on s’en fout. Par contre, y a eu un truc étrange : pendant les semaines précédentes, plusieurs personnes ont étés exécutées d’un coup par le directeur. Sans raison bien précises. C’est stupide vu qu’il préférait nous voir souffrir et nous entretuer. Tellement stupide cet ours...


Profitons de l’instant présent. Pour l’instant, tout se passe pour le mieux. Monokuma n’a pas agi depuis un moment, et c’est bien mieux comme ça. Toujours en train de marcher, je finis par me cogner contre le mur (ce qui n’est pas étonnant venant d’une fille qui ne regarde pas où elle va). Assez sensible à la douleur physique, je pose ma guitare et m’agenouille, les larmes aux yeux, les mains sur la tête. Ouais, j’suis pas très douée.


Une fois la douleur passée, je repris ma guitare en essuyant délicatement son étuis et me remis à marcher dans le couloir du troisième étage pour voir si d’autres élèves ne sont pas quelque part par-là, eux aussi. Mais personne. J’ai déjà vérifié les couloirs de trois étages bordel… c’est chiant de croiser personne, on dirait qu’ils sont tous morts ! En m’approchant des marches de l’étage qui se trouve juste au-dessus, le quatrième, j’entendis au loin une  mélodie jouée au piano. A la fois magnifique et mélancolique, ça me rappelait ma famille. Ou du moins ce qu’il en reste, c’est-à-dire mon frère ainé. Lui aussi jouait du piano…


Après avoir marqué un temps d’arrêt en écoutant cette chanson, je me suis enfin décidée à monter les escaliers. Une fois en haut, plus rien. Plus un bruit. En marchant, je vis une salle qui attira mon attention plus que les autres : une salle de musique ! Enfin ! En fin de compte, cet établissement n’est pas si mal que ça. Je me suis mise à courir vers la porte sans faire attention qu’elle était déjà entre ouverte, et l’ouvrit, toute excitée, un grand sourire sur le visage. En l’ouvrant, j’ai vite masqué cet air de joie en découvrant deux personnes à l’intérieur, qui ont dû me prendre pour une dégénérée…Dans la pièce se trouvaient Sho, assis devant le piano, et Kenzo qui se tenait debout non loin de moi… ça faisait tellement longtemps que je ne l’avais pas vu en dehors d’un tribunal de classe. Ils me fixaient étrangement. Je les avais certainement dérangés en pleine conversation…


-B-bonjour, excusez-moi. Je ne voulais pas vous déranger. Dès que j’ai vu cette salle et entendu cet air au piano, mon cœur s’est emballé, et j’ai couru ici, et je ne savais pas que vous... étiez ici.....


J’étais rouge. Extrêmement gênée. Je ne savais pas quoi dire, ni où me mettre, alors je me suis cachée derrière mes cheveux roses. J’ai doucement posé ma guitare sur le côté, et ai continué à les regarder… me demandant quoi faire, je me suis alors approchée d'eux, et me suis violemment aplatie sur le sol. Putain, mais qu'est-ce qui va pas avec moi aujourd'hui?!

J’ai continué à jouer le piano aussi longtemps que possible, mais à un moment donné, les partitions qui défilaient dans ma tête se terminèrent ; la symphonie était terminée. C’était inévitable, évidemment. Chaque mélodie a une fin. Un jour, le spectacle doit se terminer. Par contre, je ne voulais pas m’arrêter. Ces derniers jours, le silence est amer, il est trop lourd. Je ne peux plus l’endurer. C’est étrange, puisque, habituellement, je cherchais le silence, la solitude. À présent, je suis toujours seul (certaines habitudes ne changent pas, et mes talents de socialisation ne s’améliorent pas), mais je crains le silence. Dans une grande ville comme celle où j’ai vécu toute ma vie, le bruit est chiant, pour en dire le moindre. Tu veux qu’il parte. Tu ne veux plus entendre les cris, les sirènes de voitures, les coups de feu, bref, tu veux le silence. Mais ici, à Kibougamine, c’est le silence, ton ennemi. Il t’isole. Je n’ai qu’à penser aux chambres, toutes insonorisées (oui, j’ai pris le temps de vérifier…) : la plupart des meurtres se sont produits dans ces chambres, où chacun est isolé, silencieux et ignorant la menace, l’atrocité qui se produit chez le voisin. Disons simplement que je ne dors plus très bien, dans ce silence…

Donc, mon obsession de ne plus être coincé dans le silence allait me conduire vers le début d’une autre symphonie. Je n’avais qu’à fouiller les profondeurs de mon esprit ; je connaissais bien d’autres compositions. Mais avant que je puisse commencer un nouveau numéro (Je crois bien que c’était du Chopin, mais bref…), une voix vint m’interpeller. Une voix fort familière…

-Pour être honnête, c'est pas toi que je m'attendais à trouver ici, super con.

Mes mains s’enlevèrent du piano, et je me retournai pour voir la seule personne qui pouvait bien m’appeler super con : Kenzo Tsuguchi. Pour être franc, c’est plutôt lui, le super con. Dès notre première rencontre (la même rencontre que celle avec Kyoki…), ce type ne m’a pas impressionné. Il était là, sur la scène du gymnase, à chanter tout seul, comme un idiot. Alors, je l’ai coupé, je ne comprenais pas l’utilité de rester planté là à perdre son temps. Je croyais qu’il valait mieux fouiller les lieux, chercher une autorité de l’école, ou quelque chose dans ce genre. Je sais vraiment comment perdre mon temps. Par la suite, il ne s’est pas montré plus utile : aucun talent d’investigation et doté d’un tempérament colérique et facilement irritable. Ce «High School Level Rock Star» n’a pas été la personne la plus agréable à côtoyer, mais pour être honnête, c’est le type à qui j’ai le plus souvent parlé, donc, d’une façon, je ne le déteste pas complètement (bien qu’il soit toujours aussi chiant). De plus, ce qui est le plus amusant, à mon avis, c’est que nos places sont échangées : à présent, c’est moi, le con qui joue de la musique tout seul, tandis que lui, c’est le type en train d’interrompre l’artiste. Eh bien, au moins, je crois comprendre maintenant la raison qui l’ait poussé à jouer, ce jour-là…

Bref, faisant face à mon interlocuteur, je lui répondis :

-Eh bien, tu sais te montrer plus poli que moi lorsqu’un artiste est à l’œuvre…

Ce qui était vrai, considérant qu’il a attendu mon arrêt avant de me parler… Je laissai échapper un petit rire, simple, mais mélancolique, et continuai de parler :

-Je ne sais pas qui tu t’attendais à voir ici, mais je suis désolé de ne pas être cette personne.

Cette réplique, je peux bien le dire, était rempli de sarcasme, et de sous-entendus. D’abord, je n’étais pas désolé. Franchement, je m’en foutais qu’il ne pensait pas me voir ici. Il ne me connait pas. C’est normal qu’il soit surpris de ma présence, il n’a aucun moyen de savoir que je joue du piano. Ensuite, je savais qu’il espérait voir quelqu’un d’autre. Et ce quelqu’un d’autre devait certainement être Alice. Je ne suis pas con (d’où ma spécialité), c’est assez clair que Kenzo l’aime comme un fou. À tous les tribunaux, il s’assurait de défendre sa bien-aimée, même si celle-ci était réellement impliquée dans le meurtre (ce qui était souvent le cas…). Par contre, leur relation ne semble pas avancer beaucoup. Peut-être croient-ils que c’est mieux de placer leurs émotions de côté, vu qu’il y a toujours des meurtres à venir. C’est probablement l’option logique, mais je ne sais pas comment je réagirais, si j’étais à leur place. Je n’ai aucun lien avec qui que ce soit, dans cette école, alors je n’ai aucune raison de me soucier de mes émotions, dans tout ça. Je ne fais que survivre, c’est tout. Mais Kenzo, lui, a plus en jeu que moi : il doit penser aux personnes qu’il apprécie en dedans de cette académie, tout en essayant de sauver sa peau. Donc, après un court silence, je me décidai de lui offrir un conseil, bien qu’il ne veuille peut-être pas l’entendre :

-Tu devrais lui dire que tu l’aimes… Alice, je veux dire. Dis-lui, avant qu’il ne soit trop tard…

Mes yeux fixaient le sol, et, après une autre pause, je laissai un dernier commentaire :

-Crois-moi, je parle d’expérience…

C’est probablement le moment où j’ai été le plus sincère avec quelqu’un depuis bien longtemps… Pourtant, j’ai l’impression d’avoir fait une gaffe, en disant cela : Suis-je vraiment en position de lui donner des conseils romantiques? Veut-il vraiment entendre ce que j’ai à dire? Et serais-je prêt à raconter mon expérience, s’il advienne qu’il s’y intéresse? C’est sans doute le chapitre le plus sombre de ma vie, ce moment où j’ai perdu Emi… Je ne me permets même pas d’y réfléchir… Elle n’est pourtant pas morte, mais je ne veux pas admettre que je l’ai perdue. Non. Je ne peux pas admettre que je l’ai perdue. Ma vie a dégringolé à partir de ce jour, mais tout ce qui s’est produit après ne se compare même pas au jour lui-même… Mais peut-être devrais-je en parler, ne serait-ce que pour enlever ce poids de mon âme. Enfin, je ne sais plus trop quoi en penser. Alors, tandis que le silence, et sa réponse, pesaient encore sur moi, une nouvelle personne fit apparition, et je me permis de faire une remarque à voix basse, avec un petit sourire sur les lèvres :

-Eh bien, quand on parle du loup…

C’était vraiment une étrange coïncidence. Croire qu’Alice se retrouverait ici, dans cette salle de musique, avec Kenzo et moi, tandis que nous parlions tout justement d’elle… C’est drôle. Ou peut-être effrayant. Enfin, c’est bizarre. Elle avait fait assez de bruit pour que nous la remarquions tous les deux, et elle semblait étrangement heureuse de nous voir… Pourtant, dès son entrée, elle avait caché son grand sourire, donc j’éviterai de commenter sur cela à voix haute. Cette rencontre est trop familière à mon goût, en fait. Kenzo, moi, de la musique, et une fille qui fait une entrée plus ou moins explosive… On dirait que la musique a une étrange tendance d’attirer les gens. Par contre, cette rencontre me perturbait, ne serait-ce qu’un peu, alors, d’instinct, j’épiais Alice du regard. Je devais avoir l’air légèrement menaçant, malgré que ce ne fût pas mon intention. Alors, gênée, elle dit :

-B-bonjour, excusez-moi. Je ne voulais pas vous déranger. Dès que j’ai vu cette salle et entendu cet air au piano, mon cœur s’est emballé, et j’ai couru ici, et je ne savais pas que vous... étiez ici.....

Eh bien, j’avais raison : la musique a une étrange tendance d’attirer les gens. Peut-être devrais-je arrêter d’en jouer, alors. Moi qui croyais que celle-ci m’offrirait du temps seul, en paix avec moi-même, je ne pouvais avoir plus tort. Il faudra à présent que je gère deux inconnus (encore…), puisque oui, ils me sont inconnus, autant que je leur suis inconnu. Je ne connais rien de ces gens, outre leurs spécialités et leurs implications dans les meurtres. Sur ce dernier point, c’est zéro pour Kenzo, trois pour Alice. Cette fille, c’est tout comme Helinca : elle a toujours été, en quelque sorte, impliquée dans les meurtres de cette école. Elle a fomenté le premier, une de ses cordes de guitare a servi pour commettre le deuxième, et elle a tenté d’empêcher le troisième. Elle n’est pas très chanceuse, disons. Et, même si elle semble être l’une des racines de notre mal (outre Monokuma, évidemment…), je ne peux pas me permettre de la mépriser. J’ai plutôt pitié d’elle, en fait. Surtout qu’elle dispose désormais d’un avantage, ou plutôt, d’un handicap : son immunité. Le troisième meurtre a fait en sorte que c’est illégal de la tuer, mais en échange, elle ne peut plus tuer (Monokuma l’a ajouté dans les règles de nos ElectroID…). Par contre, ce n’est pas bien pour elle, puisqu’elle devient un poids mort. On ne peut pas la tuer, et elle ne peut pas nous tuer. Elle n’a aucun moyen de s’échapper de l’Académie, à présent. Elle ne peut pas mourir, outre l’exécution d’un tribunal où nous perdons, et elle ne peut pas gagner sa liberté à travers les tribunaux, puisqu’elle ne peut pas tuer… Elle est vraiment coincée ici, encore plus que les autres élèves. À moins qu’il ait un autre moyen de s’en sortir vivant…

Alors, encore plus gênée, rougissante même, elle se cachait d’abord derrière ses cheveux, puis, tentant de s’approcher vers nous, elle tomba face première vers le sol. Quelle gaffeuse. Elle n’a pas l’air si… incompétente, d’habitude. Je ne sais pas qu’est-ce qui lui prend, aujourd’hui… Donc, je continuai à la fixer, mais plutôt par curiosité à présent, ce qui enleva mon air menaçant. Je ne dis rien, et n’intervient pas, laissant plutôt Kenzo s’occuper de sa Dulcinée…

 [Désolé d'avoir été si lent et si absent ces derniers jours... J'étais vraiment trop occupé... Je vais tenter de mon meillleur d'être plus rapide et plus présent ^^"]